L'Homme et la Mer
Lame, personnage qui sert d'interprète à
toutes sortes de messages, a deux hommes dans sa vie : Rel
le baudelairien et Séril Daha le lovecraftien. Rel est
baudelairien par son absence de retenue et la force de son intuition
(au début d'Ouverture, je le traite de poète
maudit) ; il est Haztlén, il est la Mer, dans « L'Homme
et la Mer ».
Toujours quand j'avais quatorze ou quinze ans, une compagne de
classe m'avait un jour récité ce poème,
après m'avoir déclaré que j'étais
quelqu'un de spécial. « L'Homme et la Mer »,
quatorzième poème des Fleurs du Mal, est
donc entré dans ma vie autrement que par les obligations
scolaires ; il s'est trouvé intégré
à ma vision de Haztlén, sur laquelle je travaillais
alors. Le traitement du thème de la mer, dans ce que j'ai
écrit, s'en inspire directement.
De plus, à mon tour j'ai appris par coeur ce poème.
Je me le récitais en période de crise. J'ai une
dette envers Baudelaire. La manière dont j'ai utilisé
son poème m'a donné plus tard l'idée de
Rel se récitant le code d'ouverture de la porte verte.
La sensation de l'esprit semblable à l'océan, c'est
un antidote efficace lorsque le monde semble avoir perdu son
sens.
Il y a quelques années, je rédigeais des « Assonances
bouddhiques chez Lovecraft » ; je pourrais faire
de même pour Baudelaire. « La mer est ton miroir.
Tu contemples ton âme / Dans le déroulement infini
de sa lame / Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer. »
Jamgön Kongtrül Lodrö Thayé, ce grand maître
du XIXe siècle célèbre entre
autres pour son poème sur le Mahamudra, qui contient une
analogie semblable ne l'eût pas désavoué !
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© 2001 Éditions Alire & Esther Rochon
