Genèse...

 

Sorbier

Une visite de mon ami Luc Lavallée, à l'automne 1999, fut déterminante pour un aspect de Sorbier : ayant feuilleté le cahier vert où j'avais noté mes toutes premières tentatives de rédaction du projet Vrénalik, Luc a attiré mon attention sur les remarques à propos de l'amour dans « L'Histoire de Svail ». J'ai vu quel parti en tirer. Quelle joie de permettre à Ivendra (texte de 1963), puis à Sayadena (texte de 1999) de commenter ce qui semble une histoire banale du sorcier Svail qui va vivre dans un marécage (chapitre intitulé « Histoire de Svail », dans Sorbier) ! À l'âge ­ environ quinze ans ­ où j'avais écrit ce passage (sauf la fin, ajoutée récemment), je pouvais parler de Svail, puis faire commenter Ivendra en termes d'amour, mais j'ignorais quoi faire ensuite. Maintenant, j'ai plus de métier. J'ai donc commencé un texte un soir du début de 1963, pour le terminer en 1999.

Sorbier est un roman incluant, dans une certaine mesure, son propre commentaire. Je ne voulais pas laisser passer l'occasion de fournir des pistes sur ce que je fais. Les extraits de la Daxiade (contrairement à ceux qu'on trouve dans Or, qui sont écrits spécifiquement pour Or) n'y sont que des copies à peu près inchangées de textes que j'écrivais adolescente. Les références à Baudelaire, à vrouig et tranag, ou au Mont Champlain dans la Gatineau, viennent directement de ma jeunesse. Alors que le personnage de Lame est central dans les autres livres de la série (hormis Secrets), ici Lame, avec son passé montréalais, sert essentiellement à situer les références qui viennent de ma jeunesse. Elle établit le lien avec le monde réel.
Comme ce livre concluait la série, il fallait qu'il porte tout, l'histoire et son sens, les personnages et leur dimension symbolique, ainsi que le rapport multiple au réel et à l'actualité.

Sorbier est un livre où les personnages sont près de leur coeur. Je l'ai écrit en écoutant Bocelli et Céline Dion. À cause de la mort récente de mon fils, j'étais près de mes émotions ; les personnages se sont comportés en conséquence. D'autre part, par rapport à l'équilibre de la série, il importait de quitter le registre de l'agression au sens large (haine, rejet, peur, dégoût) pour passer à celui de la tristesse, qui est souvent sous-jacente à l'agression.

Techniquement parlant, c'était aussi dur d'écrire Sorbier que l'utopie shambhalienne de L'Espace du diamant : dans les deux cas, le sujet est si vaste ! En ce qui concerne Sorbier, dans lequel j'avais plusieurs trames narratives à mener à leur conclusion et une dimension cosmologique à exprimer, le plan du texte ne s'est pas révélé du jour au lendemain. Au moment où je montrais Rel potassant sa fin du monde, à trois mois de mon échéance de remise de manuscrit, je n'avais pour ma part qu'une vague idée de ce qui allait se passer après cette scène. En cet été 1999 où Rel séchait sur ses plans de fin du monde et moi sur mon manuscrit, j'étais déterminée à remettre le texte à temps tout en ignorant comment les personnages et moi allions nous en sortir. Il fallait que j'attende que le rideau ait fini de tomber pour que j'aperçoive ses plis, que le récit condense pour que je découvre sa forme. Puis fondre sur l'ordinateur sans perdre une seconde.


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