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SFFQ : Denis Côté
Les Parallèles
célestes, un roman de Denis
Côté (1983)
André
Jacek est en route vers Lambreville, localité située
dans le nord du Québec, voire au Nouveau-Québec,
où il a accepté un poste de professeur. Au moment
d'arriver, il est témoin de phénomènes étranges
dans le ciel. Il apprend petit à petit que, depuis deux
ans, la région est survolée par des OVNI sans qu'on
puisse en expliquer la cause.
André essaie de percer le mystère. Après
des menaces et des tentatives d'intimidation qui visent à
le dissuader de poursuivre son enquête, il découvre
une base militaire dans la forêt avoisinante. Cette base
s'est constituée autour d'une sphère qui a atterri
là il y a deux ans, comme en panne ou à court d'énergie.
Les recherches effectuées depuis n'ont pas permis de déterminer
sa nature, sa provenance et son fonctionnement.
À bout de ressources, les militaires ont même eu
recours à un jeune médium, Julian, pour communiquer
avec cette forme de vie inconnue, mais sans succès. Celui-ci
se liera d'amitié avec le jeune professeur. Grâce
à leur complicité, André Jacek réussira
à entrer en contact avec les habitants de la sphère
au cours d'une expérience fantastique et découvrira
le mystère là où des savants ont échoué.
Denis Côté aura certes été la révélation
de l'année 1983 dans le domaine de la SF québécoise.
Deux prix littéraires majeurs, le Grand Prix 1984 de la
science-fiction et du fantastique québécois et
lePrix du Conseil des Arts en littérature de jeunesse,
l'ont d'ailleurs confirmé. Et qui plus est, le prix Boréal,
attribué par les fans, est venu en quelque sorte plébiscité
le choix des deux premiers jurys.
Deux ans après sa publication, les Parallèles
célestes, dont l'écriture est antérieure
à celle de Hockeyeurs cybernétiques paru
en premier lieu, est réédité chez Hurtubise
HMH. La page couverture de l'édition originale, un modèle
de mauvais goût, a été remplacée par
une illustration qui n'a pas toute la vigueur commerciale souhaitable.
Ce ne sont pourtant pas les bons illustrateurs de SF qui manquent
au Québec.
Autant la finale de Hockeyeurs cybernétiques en
constituait le point faible, autant la conclusion des étranges
phénomènes dont André Jacek est témoin
rend compte du renouvellement du thème des OVNI et confère
à l'oeuvre une originalité indéniable. Avecun
thème aussi éculé, Denis Côté
a réussi un véritable tour de force en retenant
notre attention jusqu'à la fin.
Le roman démarre lentement pourtant et laisse présager
de bien sombres perspectives. On reste un peu incrédule
devant cette histoire d'une conspiration du silence à
laquelle se bute le héros en arrivant à Lambreville.
Mais André Jacek élabore une théorie sur
les OVNI qui remet en question les idées reçues
et explique les divergences des témoignages de ceux qui
affirment avoir vu des soucoupes volantes. Cette théorie
est fort séduisante et en vaut bien d'autres.
Le roman de Denis Côté rappelle à certains
égards le film de Steven Spielberg, Rencontres du troisième
type. Le personnage de l'extraterrestre n'est pas présenté
comme un être menaçant. En outre, ce sont les personnages
qui n'ont pas de préjugés scientifiques qui sont
les plus aptes à comprendre ces phénomènes
inexplicables. L'auteur en tire une leçon en faveur de
l'ouverture d'esprit des êtres humains. La raison et les
certitudes acquises sont impuissantes à expliquer ces
manifestations étranges. Il faut faire confiance à
l'intuition et mettre de côté la logique d'un système
de pensée qui n'a rien à voir avec celui de l'autre.
Les Parallèles célestes ne constitue certes
pas une apologie de la science, trop rivée sur l'objet
de son observation pour être capable de cerner le phénomène
dans sa globalité. Le pouvoir militaire est encore plus
décrié, en proie qu'il est à la paranoïa
et au syndrome du secret d'État. Le principal représentant
de cette institution bornée est le capitaine Denault,
un être hystérique et irresponsable pour qui tous
les moyens sont bons pour assurer la sécurité de
l'État et le secret des recherches entreprises sur la
précieuse sphère. En comparaison, les scientifiques
semblent beaucoup plus soucieux de la vie humaine comme le prouve
Ericka Alexander qui sortira Jacek des griffes de Denault.
Les personnages de Denis Côté sont beaucoup plus
approfondis dans ce deuxième roman. À l'exception
du capitaine Denault dont la stupidité et l'esprit de
vengeance frisent la caricature, les autres font preuve d'intelligence
et échappent aux stéréotypes faciles. Julian,
ce jeune Américain doué de pouvoirs paranormaux,
est le plus émouvant de tous en raison de son drame intérieur.
Il souffre de ne pas être comme les autres, d'être
considéré comme un objet de curiosité et
d'être exploité à des fins plus militaires
qu'humanitaires. Il est à la recherche d'un équilibre
intérieur et d'un autre monde qui lui permettra d'oublier
sa marginalité.
Julian introduit une dimension nouvelle dans le récit
en raison de son ambiguïté. Dès le moment
où André le rencontre aux abords de la base, l'intrigue
acquiert une densité qui lui faisait défaut jusque-là.
Par son côté pathétique, Julian ajoute aussi
de l'émotion dans ce récit enclin à être
platement descriptif à l'occasion. Les scènes de
poursuite dans Lambreville sont en effet très banales
mais ces passages sont rachetés par le lyrisme et la généreuse
sensibilité qui caractérisent la description du
voyage mental d'André dans la sphère mystérieuse.
Le récit parfaitement maîtrisé et la pertinence
des images qu'il véhicule font de ces pages les meilleures
du roman. L'écriture de Côté quitte alors
le domaine du réalisme et plonge au coeur de l'inconscient
collectif, des archétypes de la civilisation occidentale.
Après s'être donné des allures de roman policier,
les Parallèles célestes aboutit à
une réflexion sur l'imaginaire de l'être humain,
sur son besoin de se forger des mythes. L'amitié y est
également privilégiée comme valeur humaine
en raison de l'ouverture d'esprit qui va de pair, comme on peut
le constater dans la relation sensible qui unit André
et Julian.
Ce qui me plaît dans le roman de Côté, c'est
que son explication du phénomène des OVNI fait
bien plus appel à des notions philosophiques qu'à
des notions scientifiques. En renouvelant ainsi le discours sur
les soucoupes volantes et autres objets volants non identifiés,
Denis Côté prouve qu'il est un écrivain avec
lequel il faudra compter. Quand un auteur écrit un roman
pour la jeunesse qui intéresse tout autant un lecteur
adulte, c'est bon signe. Il faut y voir la promesse d'un grand
talent.
Denis Côté a su concilier, dans les Parallèles
célestes, la simplicité du récit et
la richesse de la réflexion. J'aime aussi chez lui cette
façon de ne pas imposer une vision unique des choses,
de ne pas afficher ses hypothèses comme des certitudes,
de ne pas se présenter comme le promoteur d'une nouvelle
mystique. Il nous livre sans prétention ses intuitions
métaphysiques. Elles méritent d'être entendues
et méditées.
Claude Janelle
La Machine à
écrire, une nouvelle de Denis
Côté (1987)
Jacinthe rencontre à son école un auteur, Denis
Sôté, qui lui apparaît pas mal nono pour écrire
des romans. À force de l'asticoter, elle découvre
son secret: il se sert d'une machine à écrire.
Lui, il n'est qu'un illettré venu du futur. Jacinthe,
en colère, l'oblige à détruire son infâme
appareil et à écrire lui-même ses livres.
Devrais-je reprendre la première phrase de l'auteur
et commencer ce commentaire par «Mon ami Denis Côté
est un maudit malade»? Chose certaine, c'est que ce texte
écrit pour le Spécial jeunesse d'imagine...
est très révélateur de l'humour acéré
de l'auteur.
Tout d'abord, il s'approprie le style parlé à la
mode chez une majorité de nos auteurs pour la jeunesse
et campe son narrateur: une jeune fille délurée
qui veut devenir écrivaine et qui ne se gêne pas
pour commenter son entourage immédiat. Les couteaux volent
bas mais visent juste - et toc pour une certaine catégorie
de professeurs par trop répandue que j'ai endurée
en mon temps, tout comme Denis Côté, et que les
jeunes actuels endurent toujours. Puis entre en scène
l'autre personnage, un nôteur du nom de Denis Sôté,
qui vient parler devant la classe. Là encore, l'humour
est acerbe et Côté prend un malin plaisir à
relever le saugrenu de ces rencontres organisées - le
plus souvent désorganisées? La suite devient une
convaincante petite histoire SF. Plaira-t-elle aux jeunes? Il
serait intéressant pour l'auteur de l'apprendre lors de
ses futures tournées.
Une belle nouvelle pour jeunes qui, comme le démontre
ce commentaire, s'adresse tout autant à des lecteurs plus
avertis. On appelle ça un texte à plusieurs niveaux
de lecture, les amis. C'est peut-être ça qui manque
dans la littérature de jeunesse actuelle: des textes qui
intéressent les jeunes, qu'ils soient des lecteurs obligés,
occasionnels, talentueux... ou de futurs écrivains en
puissance.
Jean Pettigrew
Nocturnes pour
Jessie, un roman de Denis Côté
(1987)
Jessie
et Hendrix s'évadent d'un centre de détention pour
jeunes délinquants, le premier ayant été
condamné pour divers vols, le second pour le meurtre d'un
policier. Ils trouvent refuge dans la grande ville de Beyr dont
la surpopulation leur garantit l'anonymat souhaité. Sans
argent et sans toit où dormir, ils se résignent
à s'installer provisoirement dans un petit réduit
humide et froid accessible par les égouts souterrains
de la ville. Mais il leur faut manger et, surtout, se procurer
du Mardouk, une drogue dont ils doivent consommer une dose quotidienne.
Ils repèrent un jeune pusher qui consent à leur
céder quelques ampoules de Mardouk en échange d'un
couteau tout en les prévenant que la prochaine fois, ils
devront payer en argent.
Jessie met à profit son expérience en électronique
pour détrousser un guichet automatique. Il vole aussi
quelques pièces électroniques car il a fait une
promesse à Hendrix: lui fabriquer des prothèses
qui remplaceront ses bras et ses mains afin qu'il puisse jouer
à nouveau de la guitare. Pour se venger du meurtre d'un
collègue, les Juvénos, corps policier chargé
spécialement de la surveillance des jeunes, lui ont en
effet amputé les deux bras.
Quand Jessie veut acheter une grande quantité de Mardouk,
le jeune pusher le met en présence de Rhésus, le
chef des Strickfaden qui contrôlent le trafic de la drogue
à Beyr. Rhésus lance un ultimatum à Jessie:
ou bien il se joint au gang, ou bien il quitte la ville. Jessie
veut garder sa liberté et défie l'ultimatum de
Rhésus. Sa vie est en danger d'autant plus qu'il a découvert
que les Strickfaden sont protégés par le député
de la ville, le maréchal Merritt.
Poursuivi par les Juvénos et les Strickfaden, Jessie se
réfugie chez une petite magicienne qu'il a connue quelques
jours auparavant. Ariane lui vient en aide et lui parle d'un
pays merveilleux, Mirlande. Elle croit avoir trouvé le
passage qui y donne accès: un vieux coffre magique dans
lequel disparaît tout ce qu'on y met. Ariane et Jessie
sont prêts à tenter l'aventure, Hendrix ayant été
tué par la bande de Rhésus, pour quitter le monde
laid et injuste dans lequel ils vivent.
Nocturnes pour Jessie est le sixième roman pour
adolescents de Denis Côté depuis 1983, ce qui démontre
chez cet auteur une régularité assez remarquable.
Ce dernier roman est à la fois caractéristique
de sa production antérieure et différent sous d'autres
aspects. On reconnaît d'abord son écriture par le
souci qu'il a de mener rondement le récit, de lui donner
un rythme rapide et efficace. De même, la description de
Beyr n'est pas sans rappeler Lost Ark dans Hockeyeurs cybernétiques:
même surpopulation, même chômage endémique
chez les jeunes, mêmes inégalités sociales,
mêmes problèmes de criminalité. En outre,
on sent chez l'auteur un sentiment de révolte face à
l'injustice et à la misère qui insuffle à
son roman une énergie irrésistible.
Par ailleurs, Denis Côté délaisse dans Nocturnes
pour Jessie les explications scientifiques ou parapsychologiques
au profit de l'irruption du merveilleux. Le roman commence comme
un récit de SF situé dans un futur immédiat,
puis il bifurque, avec l'importance de plus en plus grande que
prend Ariane, vers le merveilleux. Mirlande est un pays imaginaire,
le pays de la beauté, peuplé en majorité
d'enfants et dont tous les habitants sourient. La disparition
d'Ariane et de Jessie à la fin laisse ouvertes les portes
de l'imaginaire. Tout en reprenant des thèmes qu'il avait
déjà abordés (valorisation de l'individualisme,
dénonciation de la corruption politique), l'auteur introduit
des préoccupations nouvelles.
Tout d'abord, il traite du problème de la drogue chez
les jeunes, problème qu'il dépeint avec franchise
et sans romantisme. Quand Jessie et Hendrix sont en manque, ils
sont tout à fait pitoyables et démunis. Ils rappellent
la descente aux enfers de Christiane F., cette adolescente de
13 ans qui a décrit son histoire véridique dans
un livre qui fut adapté par la suite au cinéma.
Denis Côté s'en tire bien avec ce sujet difficile
qu'il n'était pas sans redouter. Sans faire la morale
aux jeunes, il suggère avec intelligence et subtilité
que la drogue n'est pas le seul moyen d'évasion de la
réalité. Il existe d'autres façons d'y arriver,
comme la lecture ou la musique, ainsi que le suggère le
personnage d'Ariane qui recherche dans les romans de Charles
Dickens et les Nocturnes de Chopin des voies pour accéder
à la beauté. Ces choix artistiques marquent aussi
une volonté chez l'auteur de concilier l'héritage
du passé et la culture actuelle représentée
par le rock, seule forme de musique que connaissent les deux
jeunes garçons.
Ce qui frappe le plus, toutefois, dans Nocturnes pour Jessie,
c'est l'amitié indéfectible qui unit Jessie et
Hendrix, puis la relation amoureuse naissante entre Jessie et
Ariane. Jusqu'ici, l'auteur n'avait pas attaché beaucoup
d'importance à l'amitié ou à l'amour, du
moins pas au point d'en faire le sujet central du récit.
C'est la première fois que ses personnages sont aussi
étroitement liés les uns aux autres et qu'il met
de côté sa pudeur naturelle. Dans un premier temps,
il montre l'attachement de Jessie pour Hendrix qu'il protège
comme un grand frère. Mais en même temps qu'il se
sent de plus en plus attiré par Ariane, Jessie s'éloigne
inconsciemment d'Hendrix. L'auteur traduit ainsi de façon
symbolique le passage d'une étape de la vie à une
autre, l'amitié entre copains faisant place à l'amour
pour une jeune fille. La mort d'Hendrix apparaît donc inévitable,
à la fois cause et effet de la transformation du sentiment
qu'éprouve et veut transmettre Jessie. Parallèlement,
l'écriture de Denis Côté se transforme pour
devenir plus lyrique, sans verser cependant dans la sentimentalité.
Cette métamorphose unique dans son oeuvre révèle
un auteur qui s'était montré surtout sensible à
l'inconscient collectif et aux représentations mentales
et sociales du monde dans lequel vivent ses personnages. Nocturnes
pour Jessie est, à cet égard, un roman important
dans la production de Denis Côté puisqu'il marque
un renouvellement.
Il est dommage toutefois que l'écriture laisse voir quelques
maladresses. La faute est imputable, à mon avis, à
un manque de direction littéraire éclairée
chez Québec/Amérique bien plus qu'à l'auteur
lui-même. Le manque de recul de celui-ci lui fait commettre
une bourde qu'un bon lecteur de manuscrits aurait vite fait de
dépister. Ainsi, à la page 129, Jessie trouve son
ami inconscient à la suite d'une crise provoquée
par le manque de Mardouk. «Des croûtes de sang séché
marquaient le visage d'Hendrix et le bout de ses ongles était
rouge.» Or, Hendrix n'a pas de bras... Ailleurs, à
la page 136, Jessie craint que lui et son ami «...soient
livrés pieds et poings liés aux Juvénos...»,
une expression pour le moins inappropriée dans les circonstances.
Ces quelques fautes d'inattention gâchent un peu le plaisir
de lecture d'un récit par ailleurs courageux dans la description
d'une jeunesse sacrifiée, sans espoir d'un avenir meilleur.
Sans espoir? En opposant la beauté intérieure de
certains êtres à la laideur de l'environnement ambiant,
Nocturnes pour Jessie nous dit qu'il existe peut-être
encore une voie de salut.
Claude Janelle
La Nuit du vampire, un roman de Denis Côté (1990)
Ozzie,
la soeur de Maxime, joue dans un orchestre heavy metal.
À l'école, elle participe à un festival
où l'on a invité un groupe de musiciens professionnels,
Pterodactylus, avec son guitariste vedette, Red Lerouge.
Le festival est un succès monstre.
Après le spectacle, il y a une réception. Comme
Maxime est venu avec Ozzie, il y assiste aussi. Tout à
coup, la radio annonce que la tempête a rendu les routes
impraticables. Sur les conseils d'Etcétéra, l'animateur
culturel, les gens décident de passer la nuit à
l'école. Mais elle sera remplie d'événements
inquiétants: un vitrail représentant la croix est
cassé, la réserve de sang animal du local de biologie
est dévalisée, même la salade à l'ail
disparaît mystérieusement !
Seul Maxime fait le lien entre la croix, l'ail et le sang: il
y a un vampire en liberté dans l'école ! Et qui
cela peut-il bien être, sinon l'inquiétant Red Lerouge,
avec son teint blafard, sa voix sépulcrale et sa sensibilité
maladive à la lumière ? Malgré leur terreur,
Maxime et Ozzie affrontent Red. Ce dernier avoue: oui, il est
bel et bien un vampire. Mais depuis un siècle, il s'est
converti et ne boit plus de sang. Ce n'est pas lui qui a brisé
le vitrail ni volé le sang. Mais alors, qui était
l'auteur de tous ces méfaits ? C'est encore Maxime qui
découvrira le coupable: Etcétéra, qui dans
sa haine du heavy metal, avait monté toute cette
mise en scène pour les effrayer et les dégoûter
à jamais de tous ces monstres, démons et vampires
dont raffolent les amateurs de musique heavy metal.
Je n'ai pas lu les deux autres romans de la série des
Maxime, le Prisonnier du zoo et le Voyage dans le temps,
aussi c'est avec un esprit aussi vierge de préjugés
que possible que j'ai abordé la lecture de ce petit roman
(plutôt une nouvelle, en fait, avec juste un peu plus de
60 000 signes).
Ce qui est immédiatement évident, c'est qu'il n'est
pas nécessaire d'avoir lu les deux aventures précédentes
pour apprécier la Nuit du vampire. L'histoire est
rondement menée, c'est bien écrit, les personnages
sont rapidement mis en place, les dialogues sonnent juste. La
narration en «je», centrée sur Maxime, est
truffée d'expressions heureuses, mais le tout sur un ton
toujours juste et plein de naturel: jamais n'a-t-on l'impression
d'avoir affaire à un petit singe savant.
La thématique du vampire est exploitée dans une
perspective de suspense, plutôt qu'horrifique. En ce sens,
je suis un peu déçu, à tort sans doute:
ce n'était pas le propos de l'auteur. Côté
est ici fidèle à lui-même, ses histoires
ne sont jamais innocentes. L'image de Red Lerouge, qui a déjà
été vampire mais a réussi «à
s'en sortir», nous renvoie au phénomène de
l'alcoolisme et de la drogue, phénomène trop présent
chez les jeunes. Red Lerouge ne dit-il pas «Vampire un
jour, vampire toujours», écho du célèbre
«Alcoolique un jour, alcoolique toujours»?
Toujours avec discrétion, Côté prône
également le respect de la différence. Maxime et
Ozzie passeront de la crainte de l'autre à la tolérance,
voire à l'amitié.
J'ai plus de réserves sur le personnage d'Etcétéra.
Il est sans doute de bonne guerre, dans un roman pour jeunes,
de ridiculiser un représentant de l'autorité. Defait,
Etcétéra nous rappelle que le heavy metal a
souvent été dénoncé par certains
mouvements dits «de droite», mouvements qui n'ont
souvent pas hésité à postuler, pour des
raisons morales et esthétiques, un lien entre la musique
heavy metal et la «folie» de nos jeunes, la
violence, e suicide, la drogue, etc. Combien de fois n'avons-nous
pas lu ou entendu, lors du suicide d'un adolescent, que celui-ci
écoutait de la musique heavy metal ? Face à
ces cris d'outrage sensationnalistes, il est bon de rappeler
que ce genre de musique est très populaire auprès
des jeunes et qu'il est trop facile d'y voir une relation directe,
à la place d'explications moins immédiates, difficiles
à avouer, plus souvent reliées à la famille
qu'à la musique.
Cela dit, j'ai eu de la difficulté à croire qu'Etcétéra
irait jusqu'à briser le vitrail et détruire les
réserves de sang de sa propre école, seulement
pour faire une frousse aux jeunes; sa confession finale est également
le seul moment où le dialogue est moins juste, un peu
trop «arrangé avec le gars des vues». Mais
cette réserve reste mineure et je ne doute pas que les
fans de Denis Côté (et les autres !) passeront un
bon moment avec la Nuit du vampire. Peut-être même
auront-ils peur...
Joël Champetier
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