L'année
des grandes sagas ! Le phénomène prend de l'ampleur,
non seulement en littérature jeunesse où les séries
mettant en scène un même héros ou une même
héroïne dans diverses aventures sont courantes, mais
aussi en littérature pour adultes. En 1997, quatre importantes
sagas en science-fiction québécoise étaient
en cours ou ont connu leur conclusion.
À tout seigneur, tout honneur, Jacques Brossard a mis
le point final à L'Oiseau de feu, sa grande œuvre
romanesque commencée en 1989, en publiant le cinquième
tome. L'éditeur aura donc mis neuf ans à boucler
la publication de cette pentalogie, ce qui a peut-être
eu pour effet de solliciter un peu trop la fidélité
des lecteurs. Chose certaine, les deux derniers tomes n'ont pas
eu l'écho qu'ils méritaient dans les médias.
La stratégie commerciale de l'éditeur de Tyranaël d'Élisabeth Vonarburg a été toute autre.
En seize mois à peine, Alire a publié les cinq
tomes de cette immense saga, dont les trois derniers en 1997.
Par ailleurs, Esther Rochon a poursuivi la publication de ses Chroniques
infernales avec Ouverture qui constitue le troisième
tome d'une œuvre dont l'auteure elle-même ne sait pas
encore combien elle comptera de volumes. De son côté,
Francine Pelletier a amorcé en 1997, avec Nelle de
Vilvèq, une trilogie intitulée Le Sable
et l'Acier qui arrivera à sa conclusion en 1998. Ce
nouveau phénomène peut s'expliquer par un contexte
éditorial favorable (un éditeur spécialisé
en science-fiction, Alire, qui est capable de suivre le rythme
de production de ses auteurs) mais aussi (et surtout, dirais-je)
par la maturité d'un certain nombre d'écrivains
québécois de SF.
Si la production romanesque en SF compte plusieurs œuvres d'excellente
qualité parmi les 14 qui ont été publiées
en 1997, l'heure n'est pas au triomphalisme du côté
de la nouvelle de SF puisqu'elle arrive loin derrière
le fantastique en ce qui concerne la production originale. En
1997, il s'est en effet publié 91 nouvelles fantastiques
(71%) contre seulement 37 nouvelles de science-fiction
(29%). La nouvelle de science-fiction est minoritaire partout :
dans les recueils et collectifs, dans les revues littéraires
générales et même dans les revues spécialisées
qui représentent traditionnellement son château
fort. Ainsi, on compte seulement 22 nouvelles de SF contre 36
nouvelles fantastiques dans les revues issues du milieu. Il est
vrai qu'imagine… n'a publié que deux numéros
en 1997 et que, pour ajouter au déséquilibre, l'un
d'eux ne présente que des nouvelles fantastiques. Il n'en
demeure pas moins vrai que depuis quelques années, les
nouveaux auteurs qui font leur entrée en littérature
de genres choisissent de façon très majoritaire
la voie du fantastique. Cette année, la proportion s'établit
à près de 84%, soit 35 auteurs sur 42. Parce
qu'il requiert une culture moins encyclopédique du genre
et qu'il est moins exigeant pour le lecteur ? Sans doute.
Dans les autres revues littéraires comme Stop, XYZ et Mœbius, la science-fiction n'est représentée
que par trois nouvelles (8% de la production) alors que
le fantastique en compte 20. Celui-ci a toujours été
plus présent dans ces lieux d'édition, mais l'écart
se creuse d'année en année. Quant aux nouvelles
de SF publiées dans des recueils ou collectifs, on en
compte 12 au total contre 35 nouvelles fantastiques.
Bref, le fantastique investit tous les lieux d'édition
et l'emporte même au chapitre de la production romanesque
avec 22 romans ou récits. Il faut toutefois noter que
la fantasy, qui commence à avoir une production soutenue
depuis quelques années, contribue quelque peu à
gonfler la « fiche » du fantastique, genre auquel nous
l'assimilons encore pour des fins de statistiques. Quoi qu'il
en soit, ceux qui déplorent une pénurie de textes
fantastiques devront réviser leurs positions ! À
moins qu'il s'agisse de bons textes fantastiques…
Avec une production originale de 128 nouvelles et de 36 romans,
l'année 1997 se situe exactement dans la moyenne observée
depuis une décennie. La même observation vaut pour
le nombre d'auteurs ayant publié au moins un texte inédit
qui s'élève cette année à 88. Quant
aux tendances perceptibles dans l'écriture et les thèmes
explorés par le contingent d'auteurs, nouveaux et établis,
à vous de les découvrir au fil des résumés
et des commentaires qui composent l'essentiel de L'Année…
Enfin, 34 auteurs ont vu certains de leurs textes réédités
ou traduits sans avoir pour autant collaboré à
la production originale. Ce volet de l'activité éditoriale
affiche d'ailleurs une bonne santé puisque 113 nouvelles,
soit 76 textes fantastiques regroupés surtout dans trois
anthologies, Le Fantastique même, Que le diable l'emporte ! et Les Meilleurs Contes fantastiques québécois
du XIXe siècle, et 37 nouvelles de SF, ont été
proposées à de nouveaux lecteurs francophones,
anglophones et… germanophones.
Claude Janelle |
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