La production
de l'année 1988 aura permis d'attirer l'attention sur
des auteurs qui n'ont pas toujours reçu dans le passé
le crédit qu'ils méritaient en raison de la présence
imposante des principaux auteurs de SF et de fantastique. Or
ceux-ci ont été beaucoup plus discrets cette année,
soit parce que leur production a connu un ralentissement (Esther
Rochon, Jean-Pierre April, Daniel Sernine, Gilles Pellerin, André
Carpentier), soit parce qu'ils ont été carrément
absents (Élisabeth Vonarburg, Marie José Thériault,
Agnès Guitard).
Cet effacement des auteurs de première ligne a ainsi permis
à des écrivains moins prolifiques, parfois sous-estimés
mais importants, comme Jean Dion, Marc Sévigny, Joël
Champetier, Michel Lamontagne, Guy Bouchard, Charles Montpetit
et Marie-Claire Lemaire d'occuper la place qui leur revient.
Cette situation a également profité à des
auteurs récents ou nouveaux comme Stanley Péan,
Jean-Michel Lienhardt et Évelyne Bernard, en leur permettant
de s'imposer rapidement. Le milieu continue donc de se régénérer
puisqu'une quarantaine d'écrivains signent un premier
texte fantastique ou de science-fiction cette année encore.
Statistiquement parlant, la production se répartit ainsi : 21 romans ou récits, 172 nouvelles dont 88 ont été
publiées dans des revues et 84 ont paru dans 15 recueils
et 2 collectifs. Un total de 96 écrivains ont contribué
à cette production, comparativement à 104 écrivains
en 1987. Pour la première fois depuis 1984, la publication
de nouvelles a été aussi importante dans les recueils
que dans les revues. Toutefois, cet équilibre ne s'est
pas effectué au détriment des revues spécialisées
puisqu'elles conservent 57% du marché des périodiques,
ayant publié 50 nouvelles sur un total de 88. Ce résultat,
presque semblable à celui de l'an dernier (58 %), est
d'autant plus remarquable que les revues Imagine… et Solaris ont sacrifié un numéro chacune et
que Carfax, qui avait publié l'an dernier 19 textes
québécois, a cessé de paraître. Il
n'est donc pas surprenant que la SF se retrouve surtout dans
les pages des revues spécialisées tandis que le
fantastique paraît surtout dans les revues littéraires
(XYZ, Mœbius, L'Écrit primal), puisqu'il
n'existe plus de revue spécialisée en fantastique.
Moins spectaculaire qu'en 1987, le secteur des rééditions
et des traductions affiche tout de même une grande effervescence.
Ainsi, 96 nouvelles ont été rééditées,
soit en recueils, soit dans des anthologies. Seulement 10 nouvelles
ont été reprises dans des revues. Les rééditions
ont servi presque autant la science-fiction que le fantastique : 45 nouvelles pour l'une, 51 nouvelles pour l'autre. Si la SF
a surtout profité des anthologies de Michel Lord et de
Jean-Marc Gouanvic, le fantastique doit sa performance à
la réédition des recueils d'André Carpentier
(Rue Saint-Denis) et de Pierre Chatillon (L'Île aux
fantômes) et à l'anthologie Archipel.
Par ailleurs, quatre nouvelles et un roman ont été
publiés en anglais, mais trois de ces nouvelles avaient
paru initialement en 1985. Une année sans histoire en
somme, si ce n'était la traduction du roman d'Élisabeth
Vonarburg, Le Silence de la cité, qui constitue
une première tentative sérieuse de pénétrer
l'immense marché anglophone. On suivra avec un intérêt
certain cette expérience commerciale.
Claude Janelle |
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